Viscosité I : des courbes et des barres

Lorsque Copaïba développe une nouvelle formule cosmétique – et même par après – de nombreux paramètres techniques sont examinés, au travers de mesures spécifiques. Parmi ceux-ci, la viscosité est sans doute celui qui paraît le plus intangible, et reste probablement le moins compris par les clients pour qui nous travaillons à ces développements.

Cela n’est guère étonnant, car la viscosité est une grandeur qui échappe à notre volonté de mesurer les choses en une seule dimension : la table mesure 210 cm de long, mon garçon a 11 ans, ce livre compte 244 pages, la tension électrique domestique est de 240 volts, cette voiture développe 115 chevaux … Avec la viscosité, nous sommes obligés de mesurer les choses en deux dimensions au moins, sous peine de la réduire à quelque chose qui n’exprime plus rien du tout.

Mais reprenons les choses dans l’ordre, afin de tenter d’y voir plus clair … La viscosité est une grandeur qui exprime la force qu’il faut pour déplacer une surface de fluide par rapport à une autre immobile, à une certaine vitesse – par exemple, la force qu’il faut pour étaler avec son doigt une crème sur la peau [la surface qui se déplace est sous le doigt, la surface qui est immobile est sur la peau, et le doigt se déplace à une certaine vitesse]. Rien de bien compliqué à cela, en apparence du moins : si la force qu’il faut est grande, si donc le cosmétique résiste à l’étalement, il est dit visqueux; si la force est petite, si donc le cosmétique se déplace aisément sous le doigt, il est dit fluide.

Tout serait donc simple si les fluides se comportaient comme notre table, notre garçon, notre livre, notre tension électrique ou notre voiture : on pourrait leur attribuer une viscosité et les choses seraient dites. Mais les fluides se comportent de manière retorse, et leur viscosité change lorsque la vitesse de leur étalement change. D’une façon très générale, pour la plupart des cosmétiques disons, la viscosité est d’autant plus petite que la vitesse de déplacement est grande. Autrement dit, plus on fait couler et plus ça coule.

Ce comportement, très classique en cosmétique répétons-le, est plutôt rare lorsqu’on a affaire à des fluides « simples » : l’eau présente une viscosité toujours égale à elle-même, quelque soit sa vitesse d’écoulement. Mais dès le la structure des fluides devient un peu complexe – des émulsions avec des gouttelettes dispersées, des gels avec leurs fibres en réseau tridimensionnel, … – le comportement change et se complexifie.

Les scientifiques n’étant jamais en reste pour trouver des belles appelations aux choses, tout un vocabulaire a été développé sur le sujet. Les fluides sages dont la viscosité ne change pas en fonction de la vitesse d’étalement sont appelés newtoniens; ceux dont la viscosité décroît quand la vitesse augmente sont dit rhéofluidifiants; et ceux encore qui sont rhéofluidifiants et qui gardent en mémoire quelque temps leur état fluide sont dits thixotropes; …

Donc, nos cosmétiques – la plupart des cosmétiques –- sont rhéofluidifiants : ils restent bien sagement épais dans leur pot ou leur flacon, puis coulent aisément quand on les étale sur la main, ce qui les rend d’une douceur fondante très appréciée. Évidemment, tant la viscosité de départ [au repos] qu’en mouvement [étalée] diffère selon les cosmétiques, ce qui nous donne des belles courbes viscosité vs vitesses d’étalements. Pour un oeil non averti, comparer des courbes entre elles est assez compliqué. Aussi les exprimons-nous souvent chez Copaïba sous forme de graphiques en barre, reprenant les viscosités des cosmétiques à trois vitesses fixées – et tout de suite, l’oeil s’y sent plus à l’aise

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