Choisir un mélange antimicrobien pour un cosmétique est toujours très compliqué. Car entre les demandes de nos clients et ce qu’offrent les substances disponibles, il nous faut souvent jouer les acrobates …
Techniquement, un conservateur antimicrobien est une substance listée 1223/2009/CE annexe V [liste des agents conservateurs admis dans les produits cosmétiques]. Elle peut être naturelle* [SODIUM BENZOATE, POTASSIUM SORBATE, BENZYL ALCOHOL, METHYLPARABEN…] ou synthétique [2-BROMO-2-NITROPROPANE-1,3-DIOL, BENZALKONIUM CHLORIDE, IMIDAZOLIDINYL UREA, …]
* nous entendons ici par naturelle une substance également retrouvée dans le monde végétal : acide benzoïque du benjoin, acide sorbique du sorbier, alcool benzylique des huiles essentielles, parabènes des mûres, des fraises ou des produits de l’abeille …
Mais il existe également plusieurs substances qui ne sont pas listées dans cette annexe V du 1223/2009/CE – et qui dont, techniquement, ne sont pas des conservateurs – avec des propriétés anti-microbiennes : PHENYLETYL ALCOHOL, PHENYLPROPANOL, CAPRYLYL GLYCOL, USNEA BARBATA EXTRACT, … Les utiliser permet d’afficher « cosmétique sans conservateur », ce qui peut être un avantage mercatique *
* rappelons tout de même que le législateur émet dans le 655/2013/CE que « Les allégations relatives aux produits cosmétiques […] ne peuvent dénigrer […] des ingrédients utilisés de manière légale. »; autrement dit, il est permis d’informer [0% parabènes est une allégation qui permet au consommateur allergique à ces substances d’éviter ce cosmétique], mais pas de dénigrer [0% conservateur laisse tout de même sous-entendre que les conservateurs sont à éviter …]
Certains conservateurs, dûment listés annexe V du 1223/2009/CE sont acceptés par la plupart des labels bio. C’est le cas des SODIUM BENZOATE, POTASSIUM SORBATE, BENZYL ALCOHOL, DEHYDROACETIC ACID par exemple. Que leur origine soit naturelle ou non d’ailleurs.
Par contre, certains labels bio vont exiger des sources naturelles pour tous les ingrédients non conservateurs, aussi trouve-t-on du PHENYLETYL ALCOHOL obtenu par distillation d’huiles essentielles, par exemple de pandanus.
Mais les critères de choix s’étendent bien au-delà de de ce que la dichotomie entre listés et non listés, naturels et synthétiques pourrait laisser entendre …
Comme le but premier de ces substances est quand même de lutter contre les microbes, il faut qu’ils soient efficaces. Contre les bactéries, contre les champignons, contre les levures. Présents ou apportés au sein du cosmétique, mais aussi au-dessus, et dans la zone du pot non remplie. Le choix se fera donc aussi en fonction des associations à envisager pour couvrir l’ensemble des types de microbes différents. Ce qui passera évidemment par l’éviction de certains au profit d’autres.
Un autre aspect qui complique un peu plus le choix est celui de la toxicologie. Certes, raisonnablement, le législateur n’a pas autorisé des produits éminemment toxiques, mais certaines applications pourraient requérir une attention soutenue. Par exemple, si un cosmétique pour peaux intolérantes, irritables, sujettes à des dermatites atopiques est développé, il serait indiqué d’éviter le BENZYL ALCOHOL – il est connu comme allergisant – du moins dans des proportions importantes*.
* le BENZYL ALCOHOL est autorisé jusqu’à 1% [1223/2009/CE annexe V n°34] jusqu’à 1%; son pouvoir allergisant est faible, si pas inexistant, en usage sporadique mais l’usage chronique pourrait nettement dégrader ce score; il fut d’ailleurs « identifié par le SCCNFP [Scientific Committee on Cosmetic Products and Non-food Products] comme susceptible de susciter des réactions allergique » et sa présence dut être indiquée dans la liste des ingrédients dès 2003 [2003/15/CE].
Rajoutons-y certaines difficultés techniques – par exemple PHENYLETYL ALCOHOL qui une fâcheuse tendance à déstabiliser les émulsions, ou le PHENYLPROPANOL dont l’odeur est vraiment puissante – et il devient tout-à-fait évident que le choix d’un bon mélange anti-microbien est quelque chose de très complexe.