Dans sa grande sagesse, le législateur européen impose que les contenants [pots, flacons, …] en contact avec le cosmétique ne nuisent pas à la sécurité de celui-ci. Ce qui pourrait advenir notamment si le contenant relargue des substances dangereuses dans le cosmétique, si des ingrédients du cosmétique migrent dans le contenant et modifient la composition initiale du cosmétique, si le cosmétique fuit au travers du contenant.
Et pour évaluer la sécurité de ces contenants, diverses associations cosmétiques ont édité un ensemble de lignes directrices fort utiles*.
* par exemple le COSMETICS EUROPE ADVISORY DOCUMENT INFORMATION EXCHANGE ON COSMETIC PACKAGING MATERIALS ALONG THE VALUE CHAIN IN THE CONTEXT OF THE EU COSMETICS REGULATION EC 1223/2009 de Cosmetic Europe
Ces textes s’attardent d’abord sur l’intention du législateur : un cosmétique doit être sans danger pour la santé humaine, et pour répondre à cette exigence, une évaluation de sécurité doit être réalisée [1223/2009/CE art. 10 notamment]; et parce que le contenant est partie intégrante du cosmétique, cette évaluation de sécurité doit également s’y attarder [1223/2009/CE ann. IA4].
1. du contenant vers le cosmétique
Et donc, première circonstance au cours desquelles la sécurité du cosmétique pourrait être compromise par un contenant inadapté : le contenant, en contact avec le cosmétique, y relargue des substances dangereuses ou à tout le moins problématiques.
Il convient donc de connaître la composition du contenant, la dangerosité des matériaux dont il est composé, et la possibilités que ces derniers se retrouvent dans le cosmétique. Le schéma de travail habituel est donc très logiquement le suivant :
1. tous les éléments ou matériaux spécifiques doivent être décrits avec leur composition chimique générale
2. toutes les substances hautement préoccupantes* en quantités supérieure aux normes [norme générale 1000ppm, norme plomb + cadmium + mercure + chrome 100ppm, norme acrylamide+nitrosamine 1ppb] doivent être listés et quantifiés
* en anglais SVHC [substances of very high concern]
3. l’impact de ces substances sur la sécurité du cosmétique doit alors être évalué
La réalisation de ce troisième point [impact sur la sécurité du cosmétique] peut être grandement facilitée si le fournisseur de contenant émet une attestation stipulant :
1. le respect des exigences générales du 1935/2004/CE sur les matériaux en contact avec les aliments
2. le respect des bonnes pratiques de fabrication 2023/2006/CE
3. les types de denrées alimentaires ou simulants alimentaires* pour lesquels cette déclaration de conformité est valable.
* les simulants alimentaires sont des formules simples et standardisées mimant les aliments; le 10/2011/CE liste six catégories, avec des formules acides [les cosmétiques le sont souvent] éthanoliques [les bains de bouches le sont parfois] ou grasses [comme les beurres cosmétiques] – par contre on n’y trouve pas de simulant alcalin, et donc la référence au 1935/2004/CE n’est pas exactement utile en cas de cosmétique alcalin
À titre informatif, un mécanisme important pour garantir la sécurité des matériaux en contact avec les aliments est le recours à la migration limite. Ces limites précisent la quantité maximale d’une substance autorisée à migrer vers les aliments, avec des OML [Overall Migration Limit] qui concernent l’ensemble des substances et des SML [Specific Migration Limits] qui visent des substances spécifiques. D’une manière générale et à titre d’exemple, pour les matériaux plastiques destinés à être en contact avec les aliments, le 10/2011/UE fixe la OML à 60mg/kg d’aliment et/ou 10 mg/dm² de matériel de contact [autrement dit, 60mg de substances pourraient être autorisées à migrer dans chaque kilo d’aliment et/ou 10mg de substances pourraient se détacher de chaque dm² d’emballage en contact avec l’aliment]. Les calculs de l’exposition aux substances présentes dans les matériaux en contact avec les aliments sont basés sur l’hypothèse qu’un consommateur mange chaque jour 1kg d’un aliment emballé dans 6dm² d’un matériau particulier [rapport 6dm²/kg]. Les emballages de cosmétiques ont cependant tendance à être beaucoup plus petits que ceux de la nourriture, mais sont consommés en quantités bien moindres. Et l’un dans l’autre, le rapport de quelques 6dm²/kg reste une base de calcul acceptable [SCCS/1501/12]. Cependant et si par exemple nous avons un cosmétique 50ml emballé dans 0.6dm² [pot de 4cm de diamètre et 4cm de haut] ce rapport est de 12dm²/kg [0.6/.05], soit deux fois plus que la référence alimentaire. Et pour un plastique migrant à hauteur de 10mg/dm², nous aurons 6.2mg [10×0.62] de cette substance dans notre cosmétique, soit 124mg/kg [6.2/.05]. Ce qui est également deux fois supérieur aux valeur OML du 10/2011/CE, et indique donc l’utilité d’un calcul précis, ou de solides marges de sécurité, pour les cosmétiques en petits contenants surtout.
Par contre, si le fournisseur ne peut attester cette conformité alimentaire, par exemple en raison de la présence d’une substance qui n’est pas autorisée pour les matériaux en contact avec les aliments ou d’une fabrication qui ne répond pas aux Bonnes Pratiques de Fabrication 2023/2006/CE, une évaluation de la sécurité plus poussée et donc plus complexe devra être effectuée.
Tout d’abord, il sera important de démontrer que l’emballage cosmétique est produit selon des normes de qualités cohérentes [par exemple ISO9001 au lieu de 2023/2006/CE]. Ensuite, il faudra prêter attention aux substances présentes dans le contenant [en pratique dès 1ppm], et en examiner leur profil toxicologique. Il pourrait alors être utile de rechercher si la substance a été évaluée par des organismes officiels dans les réglementations pertinentes [cosmétiques, additifs alimentaires…] et s’il existe des niveaux sûrs reconnus. Niveaux qui seront alors comparés à ceux absorbables via le cosmétique, en tenant compte des quantités utilisées et des taux retrouvables dans le cosmétique [en prenant en compte le taux de migration et le rapport de 6dm²/kg sauf calcul plus précis basé sur la surface et la masse exactes] notamment.
En tout état de cause, l’évaluation de sécurité est subordonnée au respect des 1223/2009/CE art. 14 [substances interdites ou limitées], art. 15 [interdiction des substances substances classées comme substances CMR selon le règlement 1272/2008/CE] et art. 17 [autorisation d’une petite quantité non intentionnelle d’une substance interdite à condition de ne pas entraver la sécurité du produit].
Cette approche basée sur une toxicité générale n’est pas toujours extrapolable à une toxicité cosmétique, en raison d’effets locaux liés par exemple à des phénomènes de sensibilisation cutanée ou d’irritation. L’évaluation de sécurité devra donc notamment prêter une attention particulière à la présence de sensibilisants au sein des substances migrantes.
Outre ces considérations liée à une toxicité directe de substances migrant du contenant vers le cosmétique, il convient de s’attarder à certains substances sans toxicité notable mais potentiellement capables d’endommager le cosmétique. Certains verres par exemple relarguent des substances alcalines [et un test en ce sens à été normalisé ISO695+719] qui non seulement augmentent le pH du cosmétique [avec risque d’irritations] mais également peuvent ruiner l’activité de certains conservateurs anti-microbiens. ici également l’attention est requise lors de l’évaluation de sécurité.
2. du cosmétique vers le contenant
La seconde circonstance qui pourrait mettre en péril la sécurité du cosmétique est celle de la migration préférentielle de certaines substances de la formule vers le contenant. Il a en effet été documenté que certains ingrédients, ayant une solubilité meilleure dans le matériau du contenant que dans le cosmétique, passaient de celui-ci vers celui-là. Non seulement le contenant pourrait en être fragilisé, mais la teneur de cet ingrédient dans le cosmétique diminue.
Le phénomène a par exemple été documenté avec certains anti-microbiens, dont la teneur diminuait dans le cosmétique au fur et à mesure qu’ils passaient dans le matériau du contenant. Mais d’une façon générale, on pourrait se dire que bien des substances lipophiles en contenants plastiques pourraient subir le même phénomène.
L’étude de la compatibilité contenant-contenu est donc également essentielle à l’évaluation de la sécurité du cosmétique, même si ce second phénomène génère plus des dégradations [glissement des senteurs, diminution du taux des ingrédients actifs, risques de contamination par tassement de la concentration en antimicrobiens, …] que des phénomènes potentiellement toxiques.
3. à travers le contenant
Si la contenant n’est pas parfaitement étanche, notamment au niveau des joints entre le pot ou le flacon et son couvercle ou sa pompe par exemple, il peut se produire des fuites. C’est gênant, absolument inacceptable par le consommateur, mais facilement repérable.
Par contre, un phénomène plus insidieux concerne l’évaporation d’une partie du cosmétique – notablement l’eau – au travers du contenant et/ou de ses joints en particulier. Le volume du cosmétique au sein du contenant diminue petit à petit, avec généralement la formation d’une ‘peau’ particulièrement inesthétique sur les crèmes.
Les lignes directrices en la matière conduisent à considérer qu’une perte annuelle de 1% en masse reste acceptable, mais Copaïba prône plutôt 0.5% : l’effet de ‘peau’ est grandement diminué, et le phénomène nettement moins perceptible par le consommateur*.
* 1% de perte annuelle sur 24 mois correspond à 1ml de perte sur un cosmétique de 50ml, avec une baisse de niveau de 1mm dans un flacon de 25mm de diamètre; avec 0.5%, les pertes sont réduites de moitié.
L’étude de cette perte de masse constitue donc elle aussi un élément important, même si moins lié à la toxicité au sens strict qu’à la stabilité du cosmétique ou à son acceptabilité au sens large.
Nous avons donc trois phénomènes liés aux contenants susceptibles de mettre en péril la sécurité du cosmétique – migration vers le cosmétique, migration vers le contenant, migration au travers du contenant – même si seul le premier est particulièrement concerné par l’aspect toxicologique [les deux autres étant plutôt des soucis de stabilité au sens large].
En pratique maintenant, le plus simple est évidemment que le matériau d’emballage soit alimentaire [1935/2004/CE]. Non seulement parce qu’on peut supposer que son innocuité a été démontrée, mais aussi parce qu’il a subit en ce sens de nombreux test, dont nous pourrons exploiter les résultats pour notre emballage cosmétique.
Il conviendra bien sûr de vérifier également les interactions entre le cosmétique et le matériau d’emballage [les flacons PET qui « fondent » au contact des huiles essentielles sont un exemple], les propriétés barrières du matériau d’emballage [les contenants cosmétiques non parfaitement étanches qui laissent évaporer l’eau, ce qui conduit à la dénaturation du cosmétique, ne sont pas rares], et la migration de substances à partir du/vers le matériau d’emballage même au-delà du simple aspect toxicologique [un contenant en papier ciré peut absorber un cosmétique de type baume à lèvres, ou au contraire laisser filer sa cire de protection vers le baume].
Pour ce faire, il faut connaître la composition du matériau d’emballage y compris les substances techniques telles que les additifs et les impuretés [et ceci vaut pour le contenant de type pot ou flacon, mais aussi pour tous les accessoires en contact avec le cosmétique comme les tubes des pompes, les pompes elles-mêmes, les opercules des couvercles, les bouchons, les joints …]. Et tout fournisseur un tant soit peu sérieux d’article de flaconnages cosmétique possède ces informations, qui seront alors aisément incorporées dans le dossier d’information 1223/2009/CE art. 11 du cosmétique.
Illustration Vetronaviglio de sa collection Mabel
Cependant et afin d’éviter tout quiproquo, il convient d’être absolument scrupuleux dans le référencement de ces documentations. Lesquelles doivent donc préciser :
1. les références commerciales, numéros, et éventuellement plans techniques
2. la nature des matériaux mis en contact avec le cosmétique [et ce tant pour le contenant que pour ses accessoires de type pompe, bouchon, …]
3. la résistance de ces matériaux au cosmétique ou à tout le moins à des mélanges analogues [les références eau et heptane sont souvent employées, et constituent généralement de bons indicateurs] quand pas des simulants alimentaires
4. le résultats des tests d’étanchéité de la combinaison contenant + accessoire [bouteille + pompe, pot + couvercle, …] qui idéalement doivent démontrer une perte mensuelle en masse inférieure à 1% du contenu nominal
5. l’attestation de conformité la référence à des normes connues telles que 10/2011/CE [matériaux en matières plastiques destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires], 1935/2004/CE [matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires], 2023/2006/CE [bonne pratiques de fabrication pour les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires], …
6. il sera apprécié d’en avoir également les instructions d’emplissage [à quel hauteur du flacon se situe le volume nominal, avec quelle force faut-il visser le bouchon pour garantir l’étanchéité sans le casser, …].
Outre ces documentations fort utiles, il pourrait également être nécessaire de tester si d’aventure l’application cosmétique échappe aux normes. Comme par exemple les cosmétiques alcalins qui ne trouvent pas de simulant 10/2011/CE ou le cas délicat et non alimentaire des huiles essentielles fortement concentrées. D’une façon générale, si une norme ou un test exposé par le fabricant ne réunit pas des conditions suffisamment proches de celles du cosmétique, il convient de procéder à des analyses complémentaires.
Le législateur a donc laissé grande liberté dans les moyens permettant l’évaluation de sécurité. Cependant, cette dernière sera largement moins complexe si les normes d’alimentarité [ou leur correspondantes pharmaceutiques et/ou cosmétiques par exemple] sont atteintes, ainsi que celles ayant trait aux bonnes pratiques de fabrication. Privilégier les fournisseurs éditant de telles attestations signifie donc non seulement opter pour un système de qualité bien rôdé au sein d’une industrie expérimentée en la matière, mais également grandement diminuer le prix des évaluations ultérieures. Qui d’expérience atteignent rapidement des montants à quatre ou cinq chiffres par contenant, montants souvent sans réelle économie quand rapportés au prix unitaire d’un contenant sans attestations.