Pour tous ceux qui veulent développer un cosmétique, la notion de challenge-test est généralement bien connue. Ce test de surinfection a pour but de vérifier si la formulation n’est pas propice au développement de micro-organismes; autrement dit, que grâce aux composants antimicrobiens y présents – qu’ils soient ou non listés conservateurs selon le règlement 1223/2009/CE annexe V – le cosmétique va pouvoir contrer les invasions des microbes.
Différents protocoles de tests existent, et il appartient à la personne chargée de l’évaluation de la sécurité du cosmétique d’opter pour le mieux adapté. D’une manière générale, on ensemence le cosmétique avec une série de souches microbiennes bien définies, et on vérifie que leurs concentrations diminuent rapidement. La norme ISO 11930 étant la référence en la matière.
Il est à noter que le législateur exige la production des résultats du challenge-test dans le dossier cosmétique [1223/2009/CE ann. I partie A3].
Par contre, la notion de qualité microbiologique du cosmétique est bien moins appréhendée. Or, elle ne désigne rien d’autre que les taux de contaminations du cosmétique en son état normal, autrement dit lors de sa vie de produit qui commence lors de sa fabrication pour se terminer sur la peau de l’utilisateur. Le législateur ne spécifie pas explicitement de normes en la matière, mais un ensemble de références constitue des lignes directrices claires. Par exemple, l’ISO 17516 fixe deux niveaux d’exigences, à savoir une limite acceptable à moins de 1000 cfu/g* pour les produits topiques et d’autre part une limite réduite à moins de 100 cfu/g* pour les produits utilisés au niveau de l’oeil ou des muqueuses, ou spécifiquement destinés à des enfants de moins de 3 ans.
* le cfu [colonian-forming unit] est une unité utilisée pour estimer le nombre de microorganismes viables dans un échantillon – viables étant défini comme la capacité de se multiplier, ce qui en pratique permet l’observation de points souvent joliment colorés qui se développent sur les milieux nutritifs où le cosmétique est déposé à des fins de test; et le cfu/g est alors le nombre de microorganismes viables dans chaque gramme de cosmétique – qui ne peut donc dépasser 1000 unités, voire 100 unités.
On pourrait se dire que si le conservateur démontre une bonne résistance aux invasions microbiennes – chose démontrée par le challenge-test – il est évident que sa qualité microbiologique sera bonne, puisque justement le cosmétique va contrer ces microbes. Les choses ne sont hélas pas si simples …
Les cosmétiques, et plus encore les cosmétiques naturels, font appel à bon nombre d’ingrédients plus ou moins contaminables, qui dans notre contexte de commerce global peuvent contenir une série de contaminants, parfois sous forme de spores*, qui ne demandent qu’à se réveiller une fois que leur environnement y sera favorable. Et le challenge-test n’examine bien souvent qu’une partie – certes très significative – des contaminants possibles, en pratique ceux raisonnablement rencontrés dans la vie courante du cosmétique lors de ses contacts avec l’extérieur [lors de sa fabrication, de son conditionnement en pots/flacons, via les doigts de l’utilisateur notamment]. Mais d’autres, plus « exotiques » pourraient avoir la faculté de se développer là où les « classiques » sont anéantis par les composants de la formule cosmétique.
* les spores sont en quelque sorte des microorganismes déshydratés [là où une bactérie contient 80% d’eau, sa spore n’affiche plus que 10-20%] extrêmement résistants : elles peuvent survivre même dans des conditions défavorables, et permettre ainsi la dispersion de l’espèce, parfois à une grande distance de leur point d’origine ou des milliers d’années plus tard; et les champignons produisent naturellement des spores, mêmes hors conditions défavorables : ce sont leurs « graines ».
En résumé, il convient de bien garder à l’esprit que :
I- les cosmétique doit être « propre » [moins de 1000, voire 100 cfu/g] à tout moment de sa vie : ISO 17516
II- le cosmétique doit résister aux invasions microbiennes lorsqu’il est mis en contact avec des microorganismes [via les doigts de l’utilisateur notamment] : ISO 11930