Caractéristiques physiques & chimiques du cosmétique et stabilité

Parmi les nombreux éléments exigés par le législateur européen pour la construction d’un dossier cosmétique – un dossier d’information sur le produit, selon les termes exacts du règlement 1223/2009/CE art. 11 – les spécifications physiques et chimiques du produit cosmétique posent souvent souci à nos clients. Nous allons donc tenter d’y voir un peu plus clair.

1- des caractéristiques utilisées en tant que critères d’acceptabilité

Ces spécifications ne sont jamais qu’un ensemble de données décrivant le cosmétique, et servant tout d’abord à donner des points de repère pour déterminer si le produit fabriqué et/ou conservé peut être considéré comme acceptable du point de vue de la qualité.

Nous n’agissons pas autrement lorsque nous cuisinons par exemple, même si nous le faisons d’instinct … Un soupe aux tomates se doit d’être rouge-orangée, liquide mais suffisamment onctueuse, avec une odeur caractéristique ronde, fraîche, aromatique et un goût doux, légèrement salé, persistant sur la langue. Cela dans la marmite, mais également lorsqu’on la sort le surlendemain du réfrigérateur. Et nous savons également que l’apparition de notes rancies [comme les vieilles huiles végétales] ou protéiques [comme les chaussettes sales] et/ou de taches plus ou moins colorées en surface [colonisation par les micro-organismes] nous indiquent que le produit est devenu mauvais et inutilisable; et que par contre, l’affadissement du goût peut dans une certaine mesure être corrigé par l’adjonction d’épices.

Tout cela, nous le savons, et le cosmétologue n’agit pas autrement, si ce n’est qu’il tente de poser ces éléments par écrit. Ainsi, il va décrire son lait pour le corps comme blanc un rien cassé de vert [il peut également s’il possède un colorimètre, en donner la couleur exacte avec la référence de son appareil de mesure; ou se référer à un échantillon stable ou à une référence de type nuancier de peinture, et situer la couleur de son cosmétique par rappport à l’échantillon stable ou au nuancier], fluide [un rien plus précis serait de préciser cela, par exemple en écrivant « assez fluide pour couler à travers mon entonnoir en 30-34 secondes à 20°C – ou, évidemment, d’en préciser la courbe des viscosités mesurées par viscométrie], avec une odeur caractéristique de citron sur fond de romarin [le puriste décrira par exemple cette senteur comme hespéridée, fraîche, vive de citron avec des notes vertes, médicinales, camphrées de romarin], d’un pH situé entre 4.75 et 5.25 [la chose peut être très importante pour la stabilité de certains actifs ou l’efficacité de certains mélanges anti-microbiens], …

Tout un ensemble de caractéristiques positives donc, qui permettent de voir si le cosmétique obtenu après fabrication et/ou après conservation est bien celui attendu. Mais il est également possible d’apporter des caractéristiques négatives, avec le cas échéant des mesures de remédiation. Il pourrait être écrit que la fragrance ne doit présenter aucune note acide et/ou rancie [indice de dégradation des huiles végétales], que le pH ne peut dépasser 5.25 mais peut être le cas échéant corrigé par l’ajout de telle substance, que l’examen du sérum fabriqué ne doit pas permettre d’y découvrir des particules non solubilisées, …

D’une manière générale, ces spécifications seront indiquées sous forme de fourchettes : pH 4.75-5.25, couleur jaune anis entre Pantone 387C et 3945C, … ou de critères suffisamment larges tels que fluide comme du lait de soja, présentant une senteur rosée avec un fond poivré léger, aucune particule non dispersée observable sous la loupe 12x dans 1cm³… pour permettre l’intégration des erreurs de mesures et/ou d’appréciation dans l’évaluation.

Un excellent moyen de parvenir à ainsi décrire un cosmétique est sans doute de se dire que ses caractéristiques physiques et chimiques doivent permettre de le reconnaître. Par exemple, vous allez décrire votre savon-brique afin qu’il ne soit pas confondable avec un autre ou une fabrication ratée, comme dur [la pression du doigt ne s’y marque pas, la pression de l’ongle peine à s’y marquer], vert [un vert entre le vert bouteille et le vert sapin], tacheté de minuscules points bruns [à raison de quelques 10 points par cm²], présentant une odeur intense de feuille de laurier [mais sans aucun fond acide et/ou ranci ni notes alcalines de soude], d’un pH apprécié par le contact d’un papier-pH humide à hauteur de pH9-pĤ10, produisant une mousse fine et blanche, …

2- des caractéristiques utilisés comme outil de détermination de la date de durabilité minimale [DDM]

Ces caractéristiques permettront donc également d’en apprécier la durée avant péremption et/ou les conditions dans lesquelles il faut le conserver [par exemple à l’abri de l’humidité et sous une température de 40°C], puisque tant que ces caractéristiques seront conservées, votre savon restera utilisable.

Et il n’est donc pas étonnant que le législateur reprenne sous le même point [1223/2009/CE ann. IA.2] les « caractéristiques physiques et chimiques […] du produit cosmétique » ainsi que sa « stabilité dans des conditions de stockage raisonnablement prévisibles » – puisque justement il faut en connaître ces caractéristiques pour pouvoir affirmer qu’elles restent inchangées [ou du moins restent dans les fourchettes d’acceptation]. Et tant qu’elles resteront inchangées, le cosmétique sera réputé stable.

3- des caractéristiques utilisés comme outil de détermination de la durée de conservation après ouverture [PAO]

Et si la détermination d’une période de stabilité est encore assez facile à entreprendre – si tant que l’on dispose d’assez de temps pour ce faire – l’évaluation de la période de stabilité après ouverture constitue apr contre un exercice horriblement compliqué, car dépendant de paramètres nettement moins maîtrisables. Après ouverture, deux choses vont principalement se poser : les cosmétique sera en contact avec l’air et l’humidité atmosphérique, et le cosmétique pourra être touché par le consommateur. Et nous voyons tout de suite que les chose seront très différentes selon que l’emballage est sous forme airless [très peu de contamination atmosphérique et très peu de contaminations par les doigts], flacon-pompe [peu de contamination atmosphérique et très peu de contaminations par les doigts], tube [peu de contamination atmosphérique et peu de contaminations par les doigts] ou pot [beaucoup de contamination atmosphérique et beaucoup de contaminations par les doigts] – et que les doigts du consommateurs seront propres, moins propres, ou tout simplement très sales.

Mais le principe général reste le même : tant que les caractéristiques physiques et chimiques du cosmétiques restent inchangées [ou dans les fourchettes d’acceptation], le cosmétique sera réputé stable – avec évidemment un oeil toujours sur sa propreté microbiologique, qui elle aussi doit rester dans les limites de l’acceptable [voir à ce sujet notre article du 21 février 2018, en bas de ce blog].

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