Pas d’huiles essentielles pour moi !

Combien de fois Copaïba consultance & formulation™ ne reçoit-il pas des demandes de créations de cosmétiques avec un point très précis dans le cahier des charges : « pas d’huiles essentielles ». Et quand nous nous enquérons des motivations qui sous-tendent cette exigence, nous recevons quasi invariablement comme réponses « parce qu’elles sont allergisantes », « parce qu’elles sont toxiques pour la femme enceinte », « parce qu’elles sont instables ». Et nos clients de demander de les remplacer par des hydrolats ou des extraits par CO2 supercritiques par exemple …

Évidemment, s’il peut y avoir un fond de vrai dans ces craintes, il y a surtout beaucoup d’exagérations ou plutôt de généralisations malheureuses. Car les huiles essentielles, c’est un peu comme les champignons en cuisine : certains sont délicieux, d’autres franchement sans intérêt, et une bonne partie franchement toxiques. Quand on ne connaît pas les champignons, on s’abstient – mais on n’affirme pas que tous posent problème.

Essayons donc d’y voir clair … Les huiles essentielles sont des substances d’origine végétale, généralement odorantes, obtenues par entraînement à la vapeur d’eau [la vapeur d’eau passant au travers du matériau végétal en extrait ces composés volatils que sont les huiles essentielles]. Elles sont donc contenues au sein du végétal – et qu’on les extraie par l’ancestrale méthode de la distillation, ou par des techniques plus récentes comme l’extraction ou CO2 hypercritique, elles seront toujours les mêmes. Une huile essentielle de menthe poivrée est largement constituée de menthol, et c’est exactement le même menthol qui se retrouvera dans l’extrait de menthe poivrée par CO2 hypercritique. S’il y a lieu de soupçonner un souci avec le menthol présent dans l’huile essentielle, opter pour l’extrait par CO2 hypercritique ne va rien arranger du tout. Il en est de même pour les hydrolats, qui ne sont que l’eau condensée après la distillation, dans laquelle un peu d’huile essentielle se retrouve solubilisée – et ici encore, l’hydrolat de menthe poivrée contient le même menthol que l’huile essentielle.

Donc bannir les huiles essentielles en espérant trouver la sécurité dans les hydrolats ou les extraits par CO2 supercritiques est un contresens.

Reste maintenant le principal problème qui leur est reproché : les allergies. Déjà le règlement européen 2003/15/CE, datant comme sa référence l’indique d’il y a une quinzaine d’années, listait vingt-six molécules particulièrement préoccupantes en raison des allergies qu’elles sont susceptibles de provoquer – il en est bien d’autres, mais disons que les vingt-six citées étaient assez répandues pour que l’on s’en préoccupe. Et parmi ces vingt-six susbstances listées, vingt-quatre se retrouvent très couramment dans les huiles essentielles – en fait, quasi toutes les huiles essentielles plusieurs d’entre elles.

Mais ce que disaient aussi les comités scientifiques qui ont présidé à l’élaboration de ce règlement, c’est que la survenue d’allergies est grandement liées aux doses d’huiles essentielles reçues. Et plus précisément, que la conjonction de larges doses sur des périodes étendues constitue un important facteur de risque, en termes d’allergies. La première partie de ce principe a fort mal été interpretée, et à donné lieu à des recommandations du genre « jamais pures, jamais non diluées ». Mais ce n’est pas en combinant deux huiles essentielles potentiellement allergisantes ensemble [jamais pures] ou en les diluant au petit bonheur la chance [jamais non diluées] qu’on va résoudre le problème. Et c’est certainement pourquoi autant de pratriciens du massage aux huiles essentielles, confrontés quasi quotidiennement à des doses trop hautes, deviennent intolérants aux huiles essentielles.

Dans le cadre d’un cosmétique, la période d’utilisation est assez incontournable : si une crème de jour est mise sur le marché, c’est bien dans l’espoir qu’elle soit utilisée quotidiennement. Mais nous pouvons par contre nous intéresser aux doses. Et là, comme pour les champignons, il n’y a guère de choix : il faut connaître, et être certain de ce l’on fait.

Car il ne suffit pas de se cantonner à des règles du genre de celles qui consistent à limiter les huiles essentielles à 0.50% dans un cosmétique par exemple. Chaque huile essentielle, chaque origine d’une huile essentielle même, est différente. Et les doses tolérables en seront bien entendu différentes, certaines étant connues pour poser des soucis dès 0.01% [voire virtuellement 0.00%] et d’autres pouvant être utilisées à 10% [quand pas 100%].

Ensuite, l’allergie – ou la sensibilisation d’une manière générale – n’est pas le seul souci qui puisse se poser. Une analyse sérieuse de la toxicité s’intéressera bien sûr à ce qui se passe sur la peau [allergies, irritations, photosensibilisation, …], mais calculera également les doses absorbées pour évaluer si quelques dommages ne seraient pas à craindre du côté du foie, des organes reproducteurs, du système digestif … Et ici encore, la bonne connaissance de l’huile essentielle, de ces constituants même mineurs, de son devenir une fois posée sur la peau au sein du cosmétique est essentiel à l’évaluation de la sécurité. On ne s’étonnera donc pas de voir Copaïba s’y étendre longuement dans les dossiers d’information du produit 1223/2009/CE art. 11 que nous rédigeons. Et c’est grâce à ces analyses de sécurité construites en détails, sur des bases solides, que vous pouvez être sûre, vous esthéticienne qui massez chaque jour des heures durant avec votre produit aux huiles essentielles, qu’il n’est pas toxique pour la merveille qui se développe dans le secret de votre uterus; ou vous revendeur de produits que vous n’allez pas voir votre clientèle vous revenir avec de bien ennuyantes plaques rouges disséminées partout là où votre crème aura été appliquée.

Devant toutes ces considérations, on pourrait être tenté de refuser les huiles essentielles – ou quelque produit analogue que ce soit – en bloc. Et de se tourner vers les parfums de synthèse, ou du moins les parfums pseudo-naturels, lesquels sont constitués de copies synthétiques de molécules naturelles. Ce serait là encore une décision prise pour de mauvaises raisons : si votre parfum contient du menthol, et si vous avez quelque raison que ce soit de  de soupçonner un souci avec le menthol présent dans l’huile essentielle, opter pour le parfum ne va rien arranger du tout. Nous en revenons toujours au même point. Avec souvent l’avantage d’une littérature scientifique plus abondante, ou basée sur une plus longue expertise du sujet, que pour bien des molécules de pure synthèse.

Reste alors l’argument de l’instabilité. Oui, la fragrance de certaines huiles essentielles a tendance à s’étioler dans certaines formules cosmétiques – mais d’autres combinaisons sont au contraire étonnament stables, des années durant. Et ici encore, point de généralisation possible : seule l’expertise permettra d’imaginer des solutions qui tiennent la route.

Copaïba travaille essentiellement les produits naturels, et se positionne clairement comme expert en la matière. Mais soyons bien clairs : le propos ici n’est pas de démontrer que les huiles essentielles sont supérieures, ou même meilleures, que les autres substances odorantes, quelle que soit leur origine, naturelle ou synthétique. Mais d’insister sur le fait que bannir les huiles essentielles en bloc pour se rabattre sur des substances inévitablement intrinsèquement simmilaires, contenant souvent les mêmes molécules, n’est pas une solution et n’évitera pas les éventuels problèmes. Comme le dit si souvent Angela Merkel, au grand dam de ses partenaires européens pressés d’annoncer des solutions faciles et définitives à leur électorat « es gibt keine einfache Lösung » – il n’y a pas de solution simple. Ce qui ne l’a pas empêchée d’accéder par quatre fois à la Chancellerie. C’est aussi le principe de Copaïba : pas de solution simpl[istes], mais un sens exacerbé du détail, pour mener vos formules au succès.

Partager cet article:

Articles en lien